Un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent

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Syndicalisme et écologie

Réponse à la revue "Silence"

mardi 8 mai 2018

Le SIPMCS a souhaité réagir au numéro de mai 2018 de la revue "Silence" intitulé "Le syndicalisme peut-il être écolo ?".

Salut Silence,

Modeste réaction quant à ton dossier du numéro 467 de mai 2018 : plutôt que de le nommer « Le syndicalisme peut-il être écolo ? », il aurait mieux valu le nommer « Comment le syndicalisme peut-il ne pas être écolo ? ».

En effet, le syndicalisme n’est pas que la défense des conditions de travail, contrairement à ce que laisserait penser le déprimant paysage syndical que nous avons sous les yeux ; le syndicalisme est aussi et surtout une volonté de transformation radicale de l’ordre établi par la construction autonome d’un projet de société qui s’inscrit dans une démarche d’émancipation individuelle et collective, donc écologiste. Parce que poser la question de l’écologie, c’est poser celle de la révolution sociale, anticapitaliste, autogestionnaire, libertaire, etc. Le syndicalisme, ne l’oublions pas, est la meilleure expression qui soit du mouvement ouvrier révolutionnaire, délibérément anticapitaliste, et ne devrait rien avoir à faire avec la hausse du pouvoir d’achat ou la défense bornée du salariat.

Si l’on se réfère à ce dont le syndicalisme est intrinsèquement porteur, il faut non pas en parler comme étant seulement un instrument de résistance face aux conditions de travail du productivisme capitaliste, non pas le considérer comme subordonné à l’idéologie marxiste, mais revenir au syndicalisme révolutionnaire et à l’anarcho-syndicalisme de la fin du XIXe et du début du XXe siècle… Et rappelons à ce titre que la charte d’Amiens (seule allusion de ton dossier à l’histoire du syndicalisme révolutionnaire) n’était en fait pas une charte mais une motion votée en 1906 au congrès de la Confédération générale du travail (CGT) à Amiens.

Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts : les deux guerres mondiales ou encore l’aliénation générée par le mode de vie industriel ont fini par faire du syndicalisme un simple outil de lutte, sans aucune ambition révolutionnaire. À l’instar de la CGT d’aujourd’hui, qui n’est plus porteuse des objectifs de transformation sociale de ses origines, les organisations syndicales actuellement majoritaires se contentent d’accompagner voire de cogérer la marchandisation totale, et au mieux d’améliorer les conditions de travail ou bien trop souvent de freiner leur durcissement : c’est bien ce syndicalisme-là qui se trouve en porte-à-faux avec l’écologie, et pas le syndicalisme tout court.
Ce dernier est révolutionnaire par essence, et c’est le syndicalisme ayant abandonné cette visée-là, devenant ainsi une aberration totale, qui devrait être mis en question. Il n’y a quasiment rien dans les pages de ton dossier, cher Silence, sur les valeurs originelles du syndicalisme, révolutionnaires, et c’est bien dommage : invisibilisées, ignorées, elles en deviennent plus dures à remettre au goût du jour, alors qu’en elles réside une énorme puissance émancipatrice.

La Confédération nationale du travail (CNT) est aujourd’hui l’héritière de ce syndicalisme. Ainsi, exemples parmi d’autres, dans ses orientations confédérales adoptées en congrès, elle se revendique pour la décroissance ou contre le nucléaire ; le siège de la confédération et de l’union régionale parisienne, rue des Vignoles à Paris, héberge une Amap, et est régulièrement utilisé par le comité de soutien à Notre-Dame-des-Landes ; nous, syndicat interprofessionnel de la presse, des médias, de la culture et du spectacle (SIPMCS), organisons dans ces mêmes locaux le samedi 2 juin 2018 un concert de soutien à la lutte de Bure ; la Fédération des travailleurs de la terre et de l’environnement (FTTE) s’inscrit dans une démarche résolument antiproductiviste ; etc.

Bref. Le syndicalisme est écolo par sa nature même.

Salutations révolutionnaires,

Le SIPMCS