Un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent

Accueil > Précarité > Chômage partiel : ce que contient le décret du 16 avril

Halte à l’insécurité sociale ! Égalité de traitement pour toutes et tous !

Chômage partiel : ce que contient le décret du 16 avril

lundi 20 avril 2020

Grâce à une mobilisation intersyndicale unitaire exemplaire, un décret concernant la mise en place du chômage partiel – désormais appelé «  activité partielle  » – pour un certain nombre de travailleurs et de travailleuses a été obtenu.

Trois semaines après l’ordonnance du 27 mars modifiant le code du travail, ce décret précise (enfin  !) la façon dont le chômage partiel doit s’appliquer aux «  journalistes pigistes, aux salariés à domicile rémunérés à la tâche, aux artistes, techniciens et ouvriers du spectacle vivant et enregistré  ».

Lorsque les travailleuses et travailleurs sont placés en chômage partiel, ils voient leur contrat suspendu, et non rompu. Le décret fixe les règles de conversion des piges, cachets et volumes de travail en heures et pour celles et ceux qui ne sont pas soumis aux dispositions légales ou conventionnelles relatives à la durée du travail.

Les frais professionnels ne sont pas pris en compte dans l’assiette de calcul de l’indemnité et de l’allocation du chômage partiel. De même, la part de rémunération correspondant au paiement de l’indemnité de congés payés est déduite pour la détermination de l’assiette  ; pour autant, l’employeur doit verser cette indemnité.

Les journalistes rémunérés à la pige (JRP)
Cf. article L. 7112-1 du code du travail

Si l’entreprise met en place le chômage partiel, il faut, pour accéder au dispositif  : au minimum trois bulletins mensuels de pige sur les douze mois civils précédant la date du placement en chômage partiel, dont deux dans les quatre mois précédant cette même date  ; ou avoir travaillé pour la dernière parution dans le cas d’un trimestriel. La carte de presse n’est pas nécessaire.

Une rémunération mensuelle de référence est établie à partir de la moyenne des rémunérations brutes (hors congés payés) des douze derniers mois, ou seulement des mois civils travaillés si la ou le salarié a travaillé moins de douze mois. Si, par exemple, le ou la JRP n’a travaillé que cinq mois, son salaire moyen ne prend en compte que ces cinq mois.

Ce salaire de référence sera comparé au salaire effectivement versé les mois de chômage partiel. Le «  trou  » de salaire donnera lieu à une indemnité, pour les heures non travaillées, égale à 70 % du salaire horaire brut (84 % du net). Le décret utilise un coefficient de référence pour transposer la pige (feuillet, photo, dessin…) en heures de travail (et établir une rémunération horaire).

Les travailleuses et travailleurs à domicile (TAD)
Cf. article L. 7412-1 du code du travail

La rémunération mensuelle de référence correspond à la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des douze derniers mois civils ou, le cas échéant, de la totalité des mois civils travaillés si la première fourniture de travail au salarié est intervenue il y a moins de douze mois, précédant le premier jour de placement en activité partielle de l’entreprise. Les frais d’atelier ne sont pas pris en compte dans ce calcul.

Le montant horaire servant au calcul de l’indemnité et de l’allocation correspond au taux mentionné dans le code du travail ou, s’il est plus favorable, au taux appliqué par l’employeur. Le décret ne dit rien, en revanche, au sujet des clauses évaluatives d’activité.

Les artistes, intermittentes et intermittents du spectacle
Cf. articles L.7121-2 et L. 5424-20

Le nombre d’heures non travaillées retenu correspond à sept heures par cachet contractuellement programmé, mais non réalisé en raison d’une annulation liée à l’épidémie de Covid-19  ; dans la limite de sept heures par jour de travail pour les travailleuses et travailleurs auxquels le cachet n’est pas applicable.

Le chômage partiel n’est pas mis en place systématiquement  : nous revendiquons son application partout où ces travailleuses et travailleurs sont touchés. Quand l’employeur y recourt, toutes les personnes concernées doivent pouvoir en bénéficier, sans exception.

Le décret ne tient pas compte d’une situation courante, celle de pigistes travaillant pour plusieurs employeurs qui ne pourront pas être éligibles au chômage partiel, faute d’avoir suffisamment de bulletins de pige. Ils ne seront pas oubliés dans nos luttes. Ce décret n’inclut pas de rétroactivité, là où les entreprises avaient trente jours pour déclarer le chômage partiel de leurs salariés mensualisés. Une injustice de plus quand beaucoup de piges, cachets ou travaux ont sauté avant ou dès le début du confinement. Enfin, l’indemnité légale ne couvre que 84 % du net. Puisque ces 84 % seront remboursés par l’État aux entreprises, nous exigeons le complément patronal pour arriver à 100 %.

Ce décret est le fruit d’une lutte syndicale unitaire fondamentale en ces temps où les travailleurs et les travailleuses, en particulier les précaires, sont, comme toujours, les plus touchés, et où les appétits patronaux sont de plus en plus visibles et exacerbés. Il reste à traduire cette unité syndicale dans les entreprises, pour une application réelle de ce texte.

Cette unité syndicale doit s’inscrire dans le temps, car rien n’est encore réglé sur le long terme, et notamment pour l’après. Le patronat et l’État auront à cœur de rétablir leurs taux de profit (ce qu’ils appellent «  relancer l’économie  ») en exploitant encore davantage les salariés et les salariées, en exerçant une pression redoublée sur les précaires et les personnes privées d’emploi, en remettant en cause nos droits sociaux et, plus largement, en détruisant tout ce qui ne sera pas assez «  rentable  » à leurs yeux. Derrière le Covid-19, la lutte des classes s’annonce rude. Organisons-nous pour y faire face ensemble, pour une société où la solidarité, l’entraide et l’égalité ne constituent pas des slogans mais une réalité  !