Un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent

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EuradioNantes : viré pour haussement de sourcils

mardi 1er avril 2008

Il faut obéir sans sourciller. Et sans » langage non verbal » mettant en cause la
hiérarchie imposée. Faute d’avoir intégré ce beau principe, un journaliste d’une
radio financée à 100% par des fonds publics vient de se faire virer pour « 
insubordination insidieuse »

L’air du temps est à la docilité. Même dans les rédactions de medias associatifs.
Pour ne pas avoir marché au pas, un journaliste d’une radio école nantaise, vient
d’être licencié avec perte, fracas, huissier et motifs insignifiants. Un exemple du
mépris du droit du travail et de la dimension humaine dans les petites structures.

Sur la bande FM locale et sur le web, EuradioNantes a commencé à mettre en mai 2007.
Une idée originale, d’une rédaction composée d’étudiants venus de toute l’Europe en
fin d’études en journalisme, encadré par deux journalistes et un technicien
permanents assurant la formation sur le tas.

Un projet porté par une ancienne animatrice d’une autre radio associative nantaise,
partie en claquant la porte.
Investie de la mission de gérer l’équipe des cinq salariés qu’elle a elle-même
choisis, elle a vite montré ses limites. A défaut d’esprit d’équipe et de
coopération, elle veut instaurer une hiérarchie sans discussion. Un management
autocratique. Il faut exécuter ses ordres, et sans sourciller. Aucun dialogue n’est
jugé utile.

Contre l’autoritarisme

En janvier, ces cinq salariés de la radio, le webmaster, les deux journalistes, la
comptable et le technicien en ont eu marre du caporalisme quotidien.
A l’association qui les emploie, ils ont écrit une lettre protestant contre « tant
d’autoritarisme, d’ordres impulsifs et catégoriques, de colères, de manque de
respect et de vexations. Face aux demandes répétées de réunions, de mise au point et
de recherche de solutions, la directrice n’a répondu que par des gestes hostiles :
attaques individuelles, contrôles tatillons du boulot de chacun, menace de virer les
récalcitrants, ou refus d’adresser la parole à ceux qu’elle considère comme des
obstacles. »

Devant ce conflit collectif, l’association employeur, patron de gôche dans toute sa
splendeur, a préféré couvrir sa directrice, désormais considérée comme victime. Les
signataires ont été menacés de procès en diffamation et de sanction disciplinaire
collective. Comme dans une cour de récréation. Finalement il a été décidé de virer
par surprise l’un des deux journalistes, convoqué au bistrot voisin où on lui met
sous le nez sa convocation à l’entretien légal avant licenciement. Pour bien marquer
sa dangerosité, on fait même venir un huissier pour le sommer le 11 février de
quitter son travail dans la minute, toujours sans lui dire ce dont on l’accuse.
Cette mise à pied conservatoire, qui va s’avérer sans le moindre motif, est
parfaitement abusive.

Trois semaines plus tard, faute de vrais reproches professionnels, la lettre de
licenciement retient une « insubordination directe ou insidieuse », tout en versant
au dossier des détails burlesques : ne pas avoir relayé l’interdiction de manger et
boire dans le local de la rédaction, avoir répondu « oui chef ! » à la directrice en
question, qui revendique pourtant haut et fort sa position et son besoin de trancher
en permanence sans perdre le temps à discuter.

Avec ces exemples dérisoires, la lettre de licenciement prétend faire l’inventaire
des « piques » inadmissibles qui mettraient donc en danger l’entreprise. L’acte
d’accusation détaille l’insoutenable : « l’ironie est une forme d’agression, de même
que tout le langage non verbal » et plus précisément les « moues, haussements
d’épaules et de sourcils ». Le droit du travail ne connaissait pas encore le concept
d’insubordination insidieuse, ni le poids de l’agression non-verbale à coups de
sourcils haussés.

Le chantage humanitaire contre la solidarité

Par ailleurs, tout est bon pour désolidariser les salariés. Comme les autres, le
technicien a signé la lettre collective de défiance envers la directrice. Il préside
par ailleurs une association humanitaire qui demande au Conseil Général local une
aide d’urgence pour le Burkina. On fait pression très explicite sur lui. Devant le
chantage, il craque et signe une lettre désavouant ce qu’il a écrit quelques
semaines plus tôt.

Les salariés rescapés subissent toujours les ordres à exécuter, la tension
permanente, les fiches de poste qu’on leur demande de signer dans la minute.
Les dirigeants de cette radio ont donc choisi d’avoir tort sur toute la ligne, en
lançant une procédure perdue d’avance. Ce qui ne leur coûtera qu’une facture à payer
après décision de justice. Pas besoin de dérèglementation du droit du travail, de
procédures super assouplies pour virer les salariés qui ne travaillent pas au garde
à vous. L’ordre règne donc sur ces ondes. Les prud’hommes apprécieront. Au moins le
burlesque des motifs.