Un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent

Accueil > News > Une > Le dossier Politis

Le dossier Politis

dimanche 3 septembre 2006

L’hebdomadaire Politis traverse actuellement une des plus graves crises qu’il ait connues. Retour sur les causes et conséquences ainsi que sur la lutte des salariés du journal.

SOMMAIRE

 Introduction
 Appel à soutien
 Politis. (À) la petite semaine d’un hebdomadaire
 Lettre de la société des rédacteurs et du personnel de Politis aux adhérents d’Attac.

Introduction

L’hebdomadaire Politis traverse actuellement une des plus graves crises qu’il ait connues. Les travailleurs du journal tentent de racheter (ou pour le moins de peser dans le rachat de) leur titre pour pouvoir enfin contrôler leur destinée.
LE SIPM SOUTIENT cet appel au don et cette volonté de rachat du journal. Nous avons la conviction que l’outil de travail doit rester aux mains des travailleurs et c’est ce que tentent aujourd’hui de réaliser ceux de Politis

Nous connaissons la réelle volonté de la part des journalistes de Politis de s’ouvrir à un mode de gestion « alternatif » au système capitaliste actuellement en place. La solution administrative de rachat en tant qu’entreprise est due à une position stratégique par rapport au tribunal de commerce. Nous soutenons leur démarche, et sommes persuadés de la réelle volonté des travailleurs du journal (lire à ce propos le témoignage d’une journaliste de Politis adhérente du SIPM-CNT) d’évoluer vers une forme de travail plus en rapport avec nos aspirations anarchosyndicalistes et syndicaliste révolutionnaire.

Politis traverse un moment extrêmement difficile et tout un chacun, en tant que lecteur de Politis, lecteur de presse, revendiquant le pluralisme et la qualité d’informations, peut et doit soutenir ce journal.
Le SIPM publie par conséquent ci-dessous l’appel « Sauvons Politis » et invite chacun à venir en aide à ce journal. Un texte accompagné d’un article du ça presse N°6 (http://cnt-f.org/sipm/spip.php?arti... sur la situation dans le journal, et la lettre des salariés de Poltis à Attac.

Appel à soutien

Le journal Politis a besoin de tous et toutes.

Depuis le 8 août, l’hebdomadaire est en redressement judiciaire. Et le repreneur pressenti est revenu la semaine dernière sur sa décision.
Si bien qu’il nous reste à peine un mois pour trouver les fonds d’un nouveau plan de reprise. Nous avons décidé de tenter le tout pour le tout et lancé un appel général à la générosité ! Générosité qui permettrait la survie du titre et
au personnel d’être son propre patron.
Pour en savoir plus, ou envoyer des messages de soutien
http://www.pour-politis.org.

Pour envoyer vos dons, merci de libeller vos chèques à l’ordre de :
Association "Pour Politis" et de les envoyer à : Association Pour Politis c/o Politis - 2, impasse Delaunay - 75 011 Paris.

Télécharger la version pdf de l’appel, 4 pages en pdf

Politis. (À) la petite semaine d’un hebdomadaire

L’hebdomadaire Politis vit peut-être ses derniers instants. Depuis le 8 aôut sous administration judiciaire, il risque de disparaître. Mis en danger par son directeur (Voir sur internet la “lettre de la société des rédacteurs et du personnel de Politis aux adhérents d’Attac” : http://www.pour-politis.org), lâché au dernier moment par un repreneur éventuel, le personnel de Politis tente le tout pour le tout : trouver un million d’euros en un mois ! Et lance un appel à la solidarité.
Texte extrait de ça presse n°6 http://cnt-f.org/sipm/spip.php?arti...

Deux grands du journalisme. Le premier, Robert Fisk, spécialiste du Moyen-Orient, s’interroge : pourquoi, sur le même sujet, un même journaliste peut-il être passionnant lors d’une conversation informelle, et rébarbatif dans son article ? Le second, Jim Nachtwey, photographe de guerre, a fait ce que peu font ou peu disent : poser son appareil pour intervenir.

Je ne suis aucun d’eux, bien sûr. Tout juste une pigiste de l’hebdomadaire Politis. Mais cette année, plus qu’une autre, m’a amenée à réfléchir à cet interstice, cette gouttière comme on le dit en bande-dessinée de l’espace blanc séparant deux cases. L’endroit de l’ellipse. Entre ce qui est vécu et écrit. Entre travail et action.
Depuis trois ans, je suis journaliste à Politis. Arrivée là sans formation ni expérience, accueillie pour un stage, j’ai été happée par la petite équipe, le petit immeuble. L’impression d’être enfin là où je dois. Et la chance de voir cette impression partagée, un pacte passé : nous t’apprenons et tu restes parmi nous quelque temps.
Voilà déjà ce qui ne se lit pas, ni dans notre journal ni ailleurs, lorsqu’il est question de la “crise” traversée par Politis. Oui, “mon” canard traverse une crise. Ce n’est pas la première. Dix-huit ans qu’il survit, peine à garder son équilibre. Pourtant, contrairement à d’autres titres, le nombre de lecteurs ne chute pas, au contraire. Réduit, certes, il se maintient, progresse même parfois, lors de la campagne du “non” au traité constitutionnel européen.
Combien lisent Politis ? Disons qu’il est diffusé à 30 000 exemplaires. Il faut savoir que notre taux de lecteurs réels est plus élevé que pour les autres journaux : 4-5 lecteurs pour un exemplaire. Parce que nous travaillons beaucoup sur, et avec, les réseaux associatifs. Pour moi, une source de fierté.
Alors pourquoi cette crise ? “Une gestion XXXX.” Un exemple : parce que notre directeur ne s’est pas occupé des tarifs postaux (La Poste accorde des tarifs préférentiels pour les envois aux abonnés), nous perdons plusieurs milliers d’euros par mois. Ou encore, et pour la même raison, nous ne percevons pas l’aide étatique pour le nouveau poste de maquettiste.
Cette crise n’est pas inattendue. Disons que nous avons tardé à réagir. Là encore apparaît l’interstice. Notre rédaction se compose de journalistes engagés, dont certains militent à l’extérieur, ou l’ont longtemps fait. Action par nos articles. Action dans notre intimité. Mais - paradoxe, schizophrénie - peu quant à la vie du canard. Plus de délégués du personnel depuis des années. Pas de syndiqués. Pas de société des rédacteurs.
Jusqu’en 2006. Conscients de la dégradation, nous avons alerté - sans succès - le directoire. Organisé des élections de délégués. Une société des rédacteurs. Deux d’entre nous se sont syndiqués. Et lorsque Politis s’est retrouvé devant le tribunal, le personnel avait un avocat, bénévole et de grande valeur.
Evidemment, discussions et désaccords sont apparus. Pas tant sur le fond que sur la forme. Comment agir ? Que dire ? À qui ? Comme tout journaliste, je m’agace parfois de la réticence de mes sources, parce que je veux comprendre, éclaircir, parce que leurs hésitations cachent - il y a des éléments qu’on ne veut pas donner - et dévoilent - il y a justement des éléments qu’on ne veut pas donner ! Là, je suis devenue source moi-même. Réticente. Que dire ? Que dire au syndicat (et ce, malgré la confidentialité) ? Plus largement, le personnel devait-il communiquer ? N’allait-on pas desservir le journal, trahir sa cause, mettre certains de nos membres en difficulté ?
Oui. Non. Peut-être. Pas maintenant. Trop tard. Trop tôt. J’ai respecté ce choix, je le comprenais, quand bien même je ne l’approuvais pas. Finalement, dans la presse, quelques-uns sont intervenus, à titre personnel. Mais notre collectivité s’est tue. Jusqu’aux prises de position de la société des rédacteurs - à ceci près qu’il s’agit des rédacteurs et non de tous ceux qui forment Politis ( “l’administratif”, l’accueil).
À l’heure actuelle, le journal est sous administration judiciaire. Nos payes, “garpées”, payées donc avec du retard (un mois, deux mois, qui sait ?). Bientôt, le verdict, un plan de reprise, je l’espère vraiment. Pas n’importe lequel. Un plan qui garantisse notre indépendance, où la rédaction ne se retrouve pas à son corps défendant embringuée dans les conflits d’Attac. Un plan surtout qui assure notre vie, non plus simplement notre survie.
Pour des raisons privée et professionnelle, je n’y suis plus une pigiste permanente. Simplement épisodique. Mon salaire, qui tournait autour des 700 euros, avec des pics et des gouffres, ne connaîtra plus que les gouffres ! Mais j’ai appris. La nécessaire organisation collective. Délicate, fatigante, qui tour à tour déçoit et galvanise. La lucidité face à ce canard. Parce que Politis est ma famille “de plume”, je la critique à l’intérieur et la défends bec et ongles à l’extérieur. Je sais le pourquoi de nos failles. De l’argent gâché, bien malgré nous. J’en sais les conséquences. Comment faire le boulot qu’on veut - bon, évidemment ! - à 30 euros net la pige (soit 1500 caractères). On essaie. On y arrive parfois. Et puis on s’essouffle. On fait moins bien, et on se méprise pour ce moins. On passe le relais. On se motive les uns les autres. Et on enrage : à cause d’une gestion et d’un développement “limite”, combien de dizaines de milliers d’euros perdus (le directeur n’était pas sûr des chiffres...), alors que les salaires du “Lumpen” se comptent en centaines d’euros ?
Voilà. Parce que Politis est en jeu, notre canard et nous, qui le faisons, je n’ai pu me résoudre à faire un “article”. J’ai essayé de me glisser dans l’interstice, de le donner à voir. En partie seulement, cela va de soi...

Lettre de la société des rédacteurs et du personnel de Politis aux adhérents d’Attac.

Paris, le samedi 30 septembre 2006
La société des rédacteurs et le personnel de Politis ont décidé de s’adresseraux adhérents d’Attac pour porter à leur connaissance la manière dont le directeur général de notre hebdomadaire, Jean-Pierre Beauvais, par ailleurs un des responsables d’Attac, se comporte au sein de l’entreprise qu’il est censé gérer.

Censé, en effet, car il y a des mois que nous ne le voyons plus dans nos murs (hormis quelques rares apparitions furtives, de préférence en dehors des heures de travail de l’équipe pour ne pas avoir à rencontrer quiconque, ce qui, malheureusement pour lui, n’est pas toujours le cas). Jean-Pierre Beauvais se consacre à plein temps à la direction d’Attac alors qu’il est salarié de Politis.
Comme vous le savez peut-être, Politis est en redressement judiciaire depuis le 8 août, à la suite d’une déclaration de cessation des paiements.
Trois mois auparavant, les salariés de Politis avaient voté à la quasi-unanimité une motion de défiance à l’égard de Jean-Pierre Beauvais tant la gestion du journal leur paraissait pour le moins obscure et désinvolte, gestion sur laquelle il n’a jamais communiqué qu’avec parcimonie, retardant en particulier à loisir l’élection de délégués du personnel, ce qui montre son attachement réel aux règles de la démocratie interne dans l’entreprise et au droit du travail.
Dans cette motion de défiance, nous relevions notamment que Politis ne bénéficie pas des tarifs postaux préférentiels de la presse - ce qui correspond à un surcoût de 6 000 euros par mois - pour l’unique raison que Jean-Pierre Beauvais a négligé de constituer le dossier donnant accès à ces tarifs. Ce manque à gagner correspond à la moitié des pertes actuelles de Politis.

Cet exemple, emblématique, aurait pu être complété par d’autres. Ainsi, au début de novembre 2004, la rédaction d’un numéro avait été conçue et préparée pour soutenir un mailing promotionnel. Le mailing n’est parti que fin janvier, c’est-à-dire trois mois plus tard. Total des pertes de l’opération : 44 000 euros.

La déclaration de cessation des paiements sanctionne donc avant tout une piètre gestion. Mais il y a plus. Lors de la clôture des comptes 2005, le commissaire aux comptes a émis très officiellement des réserves. En clair, cela signifie qu’un certain nombre de dépenses - 30 000 euros pour être précis - ne pouvaient être alors justifiées par Jean-Pierre Beauvais. Aujourd’hui encore, le mystère plane sur la destination d’un certain nombre de retraits d’argent, effectués notamment avec la carte bleue du journal, avant la date du 8 août 2006.
Une carte bleue que Jean-Pierre Beauvais a récupéré alors qu’elle lui avait été retirée par décision du comité de prospective de Politis.
Comme si tout cela ne suffisait pas, Jean-Pierre Beauvais continue à faire preuve de son mépris le plus profond pour les salariés de Politis. Non seulement il rechigne à fournir des documents indispensables à la constitution du dossier destiné au Garp, organisme chargé de payer les salaires de juillet non versés en raison de la déclaration de cessation des paiements. Mais Jean-Pierre Beauvais a également tardé à donner l’ordre de virement des salaires du mois de septembre, qui, ce samedi 30 septembre, n’est toujours pas effectué.
Cette attitude, que nous ne pensions relever que des pires aficionados du Medef, va entraîner un retard de paiement pour ce mois écoulé, d’autant plus insupportable qu’il s’ajoute au non-paiement des salaires de juillet et leur hypothétique versement par le dispositif du Garp qui dépend de la bonne volonté de Jean-Pierre Beauvais d’envoyer les documents sollicités par cet organisme.

Force est de constater que nous sommes là aux antipodes des idéaux de justice sociale portés par Attac. Il y a parfois loin entre les discours et les actes.
Voilà pourquoi nous voulions attirer votre attention sur quelques comportements de notre directeur général, qui est aussi l’un de vos responsables. Une responsabilité que, comble d’ironie, il occupe au nom de Politis sans jamais procéder à l’ombre d’une consultation.

Avec notre très cordiale salutation, la société des rédacteurs de Politis, le personnel de Politis.