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SIPM-CNT

Télérama : les 32h ou la mort !

Adhérents SIPM-CNT (section groupe Le Monde), adhérents SNJ, adhérents SUD, non syndiqués

jeudi 2 septembre 2004

Pour défendre les 32h, acquis social chèrement payé, contre la politique de destruction sociale de la direction.

Télérama: les 32 heures ou la mort!

Sommaire
32 heures : ce qu'elles nous ont coûté
Télérama pète le feu, Patino pète les plombs
Les arguments bidons pour les 35 heures
Précaires : la boîte à Kleenex

En 1999 est conclu un accord, dit " gagnant-gagnant ", entre la direction de Télérama et ses salariés, sur la réduction du temps de travail. Fruit d'un an de négociations, il s'inscrit dans la loi sur les 35 h, ramène le temps de travail hebdo de 39 h à 32 h, pour une période de cinq ans - pendant laquelle sont versées les aides Aubry, censées aider les entreprises à aménager la RTT. Or, ces 32 heures, la direction de Télérama ne nous les a pas données, elle nous les a vendues, et chèrement...

[Voir ci-dessous "Ce qu'elles nous ont coûté"]

Cet accord 32 heures, signé pour cinq ans, arrive donc à son terme : au cours des mois à venir vont s'ouvrir de nouvelles négociations sur le temps de travail.

Or, depuis 1999, le contexte a changé, à l'intérieur de Télérama comme à l'extérieur.

A l'extérieur, le climat est à la remise en question de l'ensemble de nos acquis sociaux, qui se traduit en premier lieu par une offensive patronale généralisée sur notre temps de travail : toujours plus d'heures, pour des salaires toujours plus bas.

A l'intérieur, l'entreprise " familiale " Télérama, longtemps reconnue comme un modèle de gestion sociale de ses salariés, a vécu. Nous appartenons désormais au groupe de presse Le Monde, bien connu pour ses prouesses comptables, et dont la vocation est de s'affirmer comme l'un des acteurs majeurs de la concentration de la presse. Mais Le Monde n'est pas qu'un groupe de presse, il est aussi un groupe financier - il tente depuis plusieurs années de s'introduire sur le marché boursier. Il en a la logique, le discours et les méthodes.

• Une logique financière, dans laquelle les maîtres mots sont rentabilité, profit et parts de marché. Il s'agit de dégager toujours plus de bénéfices, coûte que coûte (pour les salariés). Pour cela, moins de salariés (un plan social est en place pour les journalistes du Monde, l'imprimerie du Monde est en voie de liquidation), moins de salaires (en favorisant le travail précaire), moins de qualité, et plus... de bénéfices !

• Le discours, spécieux et lénifiant. D'un côté on nous parle de qualité Télérama à défendre, essentielle à sa survie, de l'autre on mène une politique de réduction du personnel que l'on justifie par la trop faible compétitivité de l'entreprise. D'un côté on nous parle de baisse tendancielle des recettes, de l'autre on nous présente les coûteux investissements à venir. Comment maintenir la qualité d'un journal en réduisant son personnel ? Comment prévoir de tels investissements quand Télérama est censé aller si mal ?

[Voir ci-dessous "Télérama pète le feu"]

• Les méthodes, celles d'un management de combat. On ne négocie plus, on passe en force, et tous les coups sont permis : menaces, mensonges, non-respect des promesses d'embauche, décisions unilatérales...

Ainsi des 32 heures... La direction a fait savoir que le temps de travail n'était pas négociable. Ce sera 35 h, un point c'est tout. Elle a en outre annoncé le montant des augmentations compensatoires : 2,5 %, ici encore non négociable.

En revanche, elle s'est dite prête à accepter que les pleins temps (4 jours) soient redéfinis sur la base de temps partiels. Et pour cause, puisque les 35 h n'ont qu'un objectif : la baisse de la masse salariale.

[Voir l'encadré " Les arguments bidons "]

Et les départs pour clause de cession ayant été insuffisants, la direction compte bien sur quelques ruptures de contrat supplémentaires pour arrondir ses (difficiles !) fins de mois. Quitte à encourager les départs des plus âgés.

Comment la direction compte-t-elle éponger le volume de travail que tous ces postes représentent ? Et que compte-t-elle faire des salariés précaires qui, pour la plupart, contribuent depuis de nombreuses années à la " qualité Télérama " et aux bénéfices qu'elle génère?

[Voir l'encadré " Précaires : la boîte à Kleenex "]

Se battre pour les 32 heures, c'est sauver un acquis, c'est sauver nos emplois, c'est être solidaire des précaires. La direction " de combat " que nous parachute Colombani n'est pas là pour plaisanter. Tout ce que nous céderons sera un encouragement à aller plus loin. Sans rapport de force, nous ne négocierons que du vent. Préparer une bonne négociation sur les 32 h c'est nécessairement préparer la lutte.


32 heures : ce qu'elles nous ont coûté

Le retour aux 35 h, c'est nous faire payer deux fois l'addition pour un repas qu'on nous retire.

Tout au long des négociations, la direction a exigé que le passage aux 32 h se fasse à coûts salariaux constants*. Les salariés ont donc intégralement financé la réduction de 18 % de leur temps de travail, de deux manières :
• Gains de productivité* de 9 %
• Baisse de rémunération de 9 % pour assurer l'embauche de 9 % de salariés

Financement des 32 h

• Baisse des salaires de 2,5 % en moyenne
• Changement du mode de calcul de l'ancienneté (sur 70 % du brut, et non plus sur 100 %)
Important : Les bénéfices de ce changement croissent avec le temps. En effet, la part des salariés dont l'ancienneté était calculée sur 100 % du brut diminue avec le temps au profit de l'ancienneté calculée sur 70 %. Le bénéfice était minime en 2000, il est plus important aujourd'hui, et continuera de croître avec la diminution des salariés dont l'ancienneté est calculée sur 100 % du brut.
• Gel des salaires pendant 4 ans, soit, avec une inflation annuelle moyenne de 2 %, 8 % de perte de pouvoir d'achat
• Baisse du budget du CE de 3,28 à 2,7 % de la masse salariale*
• Economies sur certains avantages en nature
• Aides aubry Les exonérations de charges patronales ne constituaient qu'une part mineure des sacrifices consentis par les salariés pour les 32 h. Rappelons par ailleurs que les aides Aubry sont financées par une baisse des charges salariales patronales, donc par nos salaires.

* Productivité : charge de travail en un temps donné ; améliorer la productivité c'est accroître la charge de travail dans le même temps.


Télérama pète le feu, Patino pète les plombs

En fait, non, pas si fou Patino. Il ne fait qu'appliquer la bonne vieille recette : pleurer que tout va mal pour faire accepter des " sacrifices ". Une " politique de rigueur " " douloureuse ", mais " nécessaire ". Et il est justement payé grassement pour mener cette politique de rigueur (qui n'est donc pas douloureuse pour vraiment tout le monde...)

Diffusion

Télérama ne s'est jamais aussi bien porté, selon les chiffres même de Patino, qu'il déforme pour les faire correspondre à son scénario catastrophe : de 647 000 exemplaires en 1998, Télérama passe à 652 000 en 2003, avec donc une progression de 5 000 exemplaires malgré la morosité ambiante de la presse magazine.

De surcroît, la répartition des exemplaires vendus penche résolument en faveur de l'abonnement (+ 74 000), ce qui est satisfaisant à deux niveaux (contrairement à l'interprétation erronée de Patino) : d'abord cela indique que le lectorat de Télérama se fidélise et choisit de se lier durablement à son hebdo, ensuite cela accroît les recettes puisqu'un abonnement est naturellement bien plus rentable qu'une vente en kiosque (la suppression des intermédiaires compense très largement les frais postaux), et permet d'anticiper la régularité des recettes.

Alors que cette évolution indique le succès de Télérama auprès de ses lecteurs, Patino affirme dans sa lettre du 23 août (paragraphe Les trois composantes de Télérama) qu'il faut " clarifier " la ligne éditoriale. Un euphémisme pour ouvrir la voie à la banalisation de Télérama en produit de masse rentable à court terme, en rupture totale avec l'esprit de l'hebdo.

Publicité

La pagination publicitaire en 2003 est revenue au niveau de 1998. Il y a eu quelques années exceptionnelles pour les recettes publicitaires dans la presse, avec un recul important en 2002. Le retour au niveau de 1998 est plutôt satisfaisant, de nombreux titres sont revenus bien en deçà. En tout état de cause, un gain exceptionnel durant quelques années ne peut faire conclure, lorsqu'il disparaît, à une perte.

Dépenses

Certains coûts augmentent, comme les frais postaux, la publicité, la masse salariale ? Ça tombe bien, les recettes de Télérama augmentent également. Par ailleurs, il faut relativiser l'augmentation des coûts postaux, en fait assez modérée. Et l'augmentation de la masse salariale a largement été compensée par ce à quoi nous avons renoncé en 1998 [voir "Ce que nous ont coûté les 32 h"]. Patino affirme que la masse salariale aurait crû de 2,6 millions d'euros entre 1998 et 2003. Or elle n'avait cru que de 1,6 millions entre 1998 et 2002, ce qui correspond à 15 % du total (10 793 596 euros en 2002). 15% sur 4 ans, quand dans le même temps le dividende versé par action passe de 226 à 280 euros, augmentant donc de 24 %. Sur cette augmentation de la masse salariale, exagérée ou réelle, on peut par ailleurs légitimement se poser des questions puisque les salaires des précaires ont baissé et que les augmentations ont été bloquées. Par exemple, quelle a été l'évolution des 10 plus gros salaires de la boîte ?

Quant à la fin des aides Aubry, dont la direction prend aussi prétexte, c'était un " plus ". La fin d'un " plus " ne fait pas un moins, c'est simplement le retour à la situation initiale.

Il faudra être vigilant : la captation artificieuse des bénéfices par la maison mère est courante pour faire pression sur les salariés.

Les nouveaux investissements

Si on diminue la masse salariale, ça augmente les bénéfices et donc les possibilités d'investissement (ou les bénéfices reversés au groupe Le Monde pour préparer l'entrée en bourse ?). Hélas, l'esclavagisme, c'est fini, mais il est vrai que c'était l'idéal pour minimiser le coût du travail. Les projets de développement devront se faire en tenant compte des salariés, sans eux Télérama n'existe pas.

La seule menace réelle qui pèse sur Télérama, c'est Patino. L'atmosphère sociale délétère qu'il crée nuit sans doute à la qualité de notre travail.


Les arguments bidons pour les 35 heures

Les non postés s'en foutent des 32 heures

FAUX ! L'augmentation du temps de travail touchera évidemment les rédacteurs comme les autres. Même si leur travail n'est pas décompté en heure, le passage aux 35 h ayant pour objectif de supprimer des postes, la charge de travail augmentera nécessairement, et eux aussi en subiront les conséquences.

Ils perdront donc comme tout le monde les avantages auxquels ils avaient renoncés en 1998 plus l'abaissement de la charge de travail, pour 2 % d'augmentation qu'il sera facile à la direction de résorber en quelques années (Télérama va si mal !).

Travailler tous pareil

Les 35 h permettraient aux salariés travaillant actuellement davantage que 32 h de se situer dans le cadre conventionnel.

Le raisonnement est spécieux d'estimer que parce qu'une règle n'est pas appliquée pour une partie, il vaut mieux ne pas l'appliquer du tout !

Ensuite, c'est une erreur : si des salariés travaillent actuellement plus de 32 h et qu'on supprime des postes (passage aux 35 h), ils travailleront nécessairement ensuite plus de 35 h ! Ce sera le prétexte pour tous passer aux 40 h ?

Pour les salariés qui dépassent les 32 heures, exigeons des recrutements pour les ramener dans le cadre conventionnel.

Harmonisation dans le groupe

Les " statuts sociaux " dans le groupe doivent être harmonisés, nous dit Patino. On est d'accord ! Harmonisation par le haut des durées de travail et des salaires dans le groupe (pour les CDI... et les précaires) !

Harmonisation par le bas des dividendes versés aux actionnaires !

C'est la crise !

FAUX ! [voir "Télérama pète le feu"]. Pas très neuf, le coup de la crise, mais ça marche toujours. Evidemment, les "sacrifices nécessaires" sont toujours pour les salariés. Partout la même rengaine, la destruction des acquis au nom de la compétitivité.


Précaires : La boîte à Kleenex

Comme toujours, les précaires sont les premières victimes. Comme il est à la mode de rendre les victimes coupables de leur malheur (les retraités de vivre trop longtemps, les malades de consommer trop de médicaments), on nous dit que les précaires (pigistes et CDD) coûtent trop cher. Pourtant ce ne sont pas les 6 % de la prime de précarité qui vont compenser la différence d'avec les CDI (jusqu'à 1/3 de salaire en moins).

En réalité, ce mensonge permet :
• de baisser sans cesse davantage les salaires des nouveaux ;
• d'évincer les plus anciens qui sont les mieux payés ;
• de les utiliser comme variable d'ajustement dans le cadre de la politique de réduction du personnel (35 h).

Le précaire se jette sans frais, sans solidarité des CDI il ne peut rien. Pourtant, un précaire qui coûte si peu est dangereux pour tout le monde : le patron a tout intérêt à en avoir plus au détriment des CDI. Quant à la qualité... la logique financière est à court terme.

A terme, ce sont les 26 embauches permises par les 32 h qui seront remises en cause. La direction est prête à favoriser des départs non remplacés. De nouveaux précaires arriveront, encore moins payés, encore plus exploités, recrutés le plus irrégulièrement possible pour ne pas les inciter à prendre racine.